CHAPITRE XXV

Transmise à Obroa-skai par les villips de signalisation, la bataille de Bilbringi se déroulait en temps réel devant les commandants Malik Carr et Tla, le tacticien Raff et Harrar, réunis à bord du vaisseau du prêtre.

— Le canonnier de la Brigade de la Paix a essayé plusieurs fois de communiquer, annonça le villip de Nom Anor. Nous lui avons refusé notre aide.

Par la baie de la frégate de Nom Anor, on voyait des éclairs zébrer l’espace. De temps à autre, un chasseur passait à proximité, lâchant des globes d’énergie éblouissants. La plupart étaient absorbés par les trous noirs, mais certains touchaient le vaisseau, brouillant l’émission du villip.

— Avec le respect que je vous dois, commandant Malik Carr, dit Tla, je trouve exaspérant d’abandonner des alliés, même s’ils ont entrepris à tort cette mission de récupération. Et je déteste voir nos vaisseaux obligés de ne pas attaquer l’ennemi.

Harrar se plaça devant le villip de transmission.

— Craignez-vous que certains vous jugent comme un lâche, Nom Anor ?

— Non. Je sais quand m’effacer devant une cause plus importante.

— Abandonneriez-vous votre commandement pour soulager les inquiétudes du commandant Tla, Exécuteur ?

— Je ne suis pas idiot au point de vouloir échanger une indignité contre une autre !

Le responsable de la passerelle de la frégate appela Nom Anor.

— Exécuteur, un vaisseau ennemi a pris pour cible le basal dovin installé à bord du vaisseau télécommandé. Il lui a été impossible de repousser l’attaque. Il ne réagit plus avec sa vitesse habituelle.

— Voyons ça, ordonna Nom Anor.

Le villip de relais du navire d’Harrar montra un vaisseau gris-blanc en forme de soucoupe, muni de mandibules et d’armes très puissantes.

Le villip de Nom Anor regarda le tacticien.

— Vous avez étudié nos batailles précédentes contre la Nouvelle République. Reconnaissez-vous ce bâtiment ?

— Il était présent à Helska, répondit Raff. Les balises-villips installées par le préfet Da’gara s’en souvenaient.

— Helska…, répéta Malik Carr, surpris. Jedi ? demanda-t-il à Nom Anor. Auraient-ils pu deviner vos intentions ?

— Peu probable. Et si ce sont des pilotes Jedi, ils sont trop occupés à perturber le basal dovin et à remporter ce conflit insignifiant pour comprendre ce qui se passe.

« Subalterne, ne protégez pas le basal dovin du vaisseau télécommandé. Si l’ennemi le détruit, ordonnez aux pilotes de coraux skippers de se comporter comme s’ils étaient désorientés.

— Je tiens à souligner que la destruction du basal dovin permettrait le décollage des engins plus petits à bord du vaisseau de ligne.

— Le basal dovin a été détruit, annonça le subalterne. Le champ visuel du villip montra le vaisseau en forme de soucoupe s’éloignant du navire télécommandé neutralisé.

— Trois navettes ont quitté le vaisseau de ligne, ajouta le subalterne. Deux se dirigent vers la planète, cachées derrière le vaisseau de ligne. La troisième a mis le cap vers nous.

— La Brigade de la Paix a dû récupérer Elan, comprit Malik Carr. Ces idiots essaient de nous la ramener.

— Leur canonnier reste incapable de se détacher du vaisseau de ligne, continua Nom Anor. Ils peuvent espérer demander l’asile, rien de plus.

Le commandant Tla eut du mal à cacher sa satisfaction.

— Restez discret, dit Harrar, mais empêchez la navette d’entrer dans votre hangar.

— Et si Elan est à bord ? demanda Malik Carr.

Harrar regarda le villip de Nom Anor, qui répondit à sa place :

— Elle saura comment agir.

Droma hurlait toujours quand Yan se hissa le long de la queue du Ryn et grimpa sur le pont, à bonne distance du puits désactivé.

Droma tomba à quatre pattes et courut d’un coin à l’autre, pleurant de douleur.

Yan reprit son souffle et s’accroupit.

— Puis-je faire quelque chose ?

— Oui, ricana Droma, les yeux brillants de larmes, apprendre à tomber sans vous raccrocher à ma queue !

Yan s’assit, les mains sur les genoux.

— Vous m’avez sauvé la peau. Je ne l’oublierai pas.

— Impossible de vous laisser tomber. Vous êtes trop connu pour mourir !

— Mieux vaut entendre ça que d’être sourd…, dit Yan. (Flanquant une claque amicale sur l’épaule du Ryn, il l’aida à se relever.) Venez, nous arriverons peut-être à les arrêter.

— Vous n’abandonnez jamais ? grogna Droma, exaspéré.

— Grâce à vous, j’ai trouvé mon second souffle.

— Je me méfierai, la prochaine fois, maugréa Droma.

Yan et le Ryn partirent à la course vers l’écoutille du hangar d’amarrage. Il fut bientôt évident que le mécanisme d’ouverture avait été « désactivé » par un coup de blaster bien placé.

— Reck ne néglige rien, soupira Yan.

Ils rebroussèrent chemin et prirent un autre couloir qui les amena à une écoutille… également scellée au blaster. Ce fut la même histoire pour chaque sas menant au hangar d’amarrage, dans ce secteur du Reine. Quand Yan et le Ryn retournèrent à la première écoutille, ils furent « accueillis » par une odeur acre de plastacier fondu. Un demi-cercle entourait le sas.

— Un perceur de coque ! fit Yan, ravi.

Les deux compagnons reculèrent pendant que l’outil terminait son travail. L’instant suivant, un disque massif se détacha de la paroi et roula sur le sol comme une immense pièce de monnaie. Une dizaine de soldats d’élite de la Nouvelle République apparurent en combinaisons de combat et casques noirs, armés de fusils BlasTech R-15A et de lance-grenades.

Yan et Droma se cachèrent dans une alcôve tandis que les soldats fonçaient dans le couloir, ignorant que la Brigade de la Paix avait déjà quitté le bord. Yan fit signe à Droma de le suivre… Entrés dans le hangar pressurisé, ils avisèrent le véhicule d’assaut qui avait transporté le commando d’élite, flanqué de deux ailes X.

Un pilote sortit de son chasseur. Yan courut lui demander s’il avait vu partir des vaisseaux.

Le pilote enleva son casque, secouant sa longue chevelure.

— Il paraît que trois navettes ont décollé, mais je ne les ai pas vues. Qui êtes-vous ?

Yan se demanda quel nom donner pour réquisitionner plus facilement une aile X… Puis il vit un autre vaisseau traverser le champ de force transparent du hangar.

Il fallut quelques secondes à Yan pour comprendre qu’il s’agissait du Faucon.

Droma ricana.

— Regardez ce que le Reine a ramassé dehors !

Yan se tourna vers lui, sourcils froncés.

— Doucement, mon gars ! Vous parlez de mon vaisseau !

— Votre vaisseau ?

Sans se donner la peine d’épiloguer, Yan gagna à grandes enjambées la zone d’atterrissage où le Faucon s’installait. Il attendait au pied de la rampe de débarquement quand Luke, Mara et Leia apparurent, suivis par R2-D2 et C3PO. A la vue de Yan, ce dernier leva les bras et faillit tomber tant il courut pour le rejoindre.

— Grâce au Grand Ingénieur, vous êtes vivant ! J’ignore comment j’aurais réagi si mes actes avaient contribué à votre perte… Tu vois, R2, rien n’est jamais joué d’avance !

Le visage de Leia s’éclaira en voyant Yan. Elle voulut se jeter à son cou, mais il évita le contact.

— Avez-vous vu des navettes décoller quand vous arriviez ?

— Nous…

— Leia, voici Droma, coupa-t-il en poussant le Ryn devant lui. Droma, mon épouse, Leia.

— Droma ? répéta Leia.

— La corvette ? demanda Yan à Luke. Elle est partie ?

— Non…

— Reck se dirige sûrement vers le vaisseau yuuzhan vong, dit Yan.

— Reck ? répéta Leia.

— La Brigade de la Paix… Elle a récupéré les transfuges.

Luke se tourna vers lui.

Yan regarda Mara, les poings serrés… Elan avait parlé d’une maladie introduite par les Yuuzhan Vong.

— Pas le temps d’expliquer !

Il monta dans son vaisseau.

— Ravi de vous avoir rencontrée, Leia ! lança Droma.

Il suivit le Corellien, sa queue se balançant en rythme.

— Yan, attends ! cria Luke.

Leia lui posa une main sur le bras.

— Non, laisse-le. J’ai le sentiment qu’il a besoin de ça.

Yan se jeta sur le siège du pilote. Il basculait des commutateurs quand Droma entra.

— Vous connaissez les YT-1300 ? demanda Solo sans cesser de s’activer.

— Notre caravane venue du Secteur Corporatif comptait plusieurs 1300… Même si nous n’étions pas particulièrement fiers d’eux !

Yan désigna le siège du copilote.

— Bouclez vos harnais, mon gars. Celui-ci mérite qu’on soit fier de lui.

Droma s’installa maladroitement à droite de Yan.

— Il faut une personne de taille considérable pour occuper un tel siège…

Yan se tourna vers Droma… et se raidit. Un instant, il revit Chewbacca, un sourire sur les lèvres et ses grosses pattes croisées sur la nuque. Sa fourrure cannelle striée de noir brillait, comme lavée de frais, et ses dents étincelaient. Il poussa un glapissement de contentement, aux anges…

Yan sentit une chaleur étrange envahir sa poitrine et des larmes lui piquer les yeux.

— Je suis d’accord avec toi, mon gars !

— Vous m’avez dit que vous travailliez avec des gens de la haute…

Yan ricana.

— Ce type en tunique longue, c’était Luke Skywalker.

— Le Jedi Skywalker ?

— En personne. Ma femme est Leia Organa.

Droma se gratta le crâne.

— Votre vrai nom est donc Yan Organa ?

— Solo ! grogna Yan, exaspéré. Yan Solo. (Droma le regarda sans broncher.) Ne me dites pas que vous n’avez jamais entendu parler de moi !

— C’est possible, reconnut Droma. Les Ryn rencontrent tant de gens…

Yan se concentra sur le pilotage. L’espace local regorgeait de navires et de tirs de laser, mais le véritable combat s’était éloigné du vaisseau de ligne pour se concentrer autour d’un bâtiment yuuzhan vong ovoïde.

Pendant que Leia posait le Faucon, la corvette de la Brigade de la Paix avait réussi à se détacher du Reine. Fonçant vers un planétoïde proche, elle échangea des tirs avec quatre ailes X. Au-dessus du planétoïde, un croiseur-transporteur de la Nouvelle République, des chasseurs et des coraux skippers s’affrontaient.

— Réglez le détecteur pour qu’il signale les navettes Sienar de classe Martial, ordonna Yan.

Il envoya de la puissance supplémentaire aux moteurs du Faucon.

— J’en ai trouvé une, annonça Droma. Elle se dirige vers le Yuuzhan Vong.

Yan pinça les lèvres. Dans le feu de l’action, les pilotes de la Nouvelle République n’avaient pas remarqué que la corvette était un ennemi.

— Reck, j’imagine…

— Nous ne le rattraperons jamais.

Yan le regarda en coin.

Malgré le réglage élevé du compensateur d’inertie, la soudaine accélération plaqua Droma sur son siège. Sa casquette s’envola. Il ouvrit de grands yeux.

— Ouh là ! Quel vaisseau ! Une vraie beauté !

Yan sourit.

— Quand vous aurez repris votre souffle, parlez-moi de cette navette.

— Elle se rapproche toujours du vaisseau ennemi.

— Allez, allez ! grogna Yan, histoire d’encourager ses moteurs.

L’unité com s’activa.

— Faucon Millenium, ici le Thurse. Ambassadrice, je vous ai demandé de rester en dehors !

— L’ambassadrice Leia Organa est à bord du Reine, répondit le Corellien.

— C’est vous, Yan ? Ici Mak Jorlen.

— Mak !

— Que fabriquez-vous dans ce trou perdu ?

— Je poursuis une navette qui emporte quelque chose que la Nouvelle République veut récupérer. Quand je l’aurai rattrapée, Mak, j’aurai besoin d’aide pour revenir.

— Affirmatif, Faucon Millenium. Content que vous soyez là, Yan. Maintenant, nous avons une chance…

Yan sentit peser sur lui le regard de son coéquipier.

— Tout ça devient de plus en plus bizarre, commenta le Ryn.

Yan activa le système d’autodétection de tir des quad-lasers arrière du Faucon. Prenant la navette en fuite dans le réticule de visée, il posa la main droite sur la détente.

Il allait tirer quand le Faucon plongea dans une anomalie gravifique. Yan eut à peine le temps d’inverser la poussée pour éviter de percuter sa proie.

Soudain stoppée, la navette dérivait dans l’espace.

— Comme si elle avait heurté un champ de répulsion…, fit Yan.

Quand la distance entre le Faucon et la navette fut réduite à quelques kilomètres, Yan déboucla son harnais et se leva.

— Prenez ma place, Droma. Amenez-nous le long de la navette, avec les rayons tracteurs si nécessaire. Je prépare le grappin bâbord.

— Vous allez l’aborder ? s’étrangla Droma. Les Yuuzhan Vong savent ce que la navette transporte ! Et s’ils décidaient de nous tirer dessus ?

Yan regarda par la baie. Assez loin, la frégate essuyait un feu croisé infernal.

— Il faudra faire vite…

Il sortit du cockpit à la course.

Sur la passerelle de la frégate yuuzhan vong, Nom Anor étudia l’image de la navette que le basal dovin du vaisseau avait repoussée, sinon endommagée. Le bâtiment en forme de soucoupe qui avait détruit le basal dovin télécommandé s’était arrimé à la navette, probablement pour récupérer la prêtresse enlevée.

Nom Anor avait du mal à se concentrer sur un seul aspect de la bataille. Mais comme Harrar l’avait souligné, la seule chose qui comptait, c’était qu’Elan soit de nouveau capturée par la Nouvelle République.

Nom Anor se tourna vers son subalterne.

— Laissez le temps au vaisseau de s’occuper de la navette avant de le poursuivre. Nous devons le convaincre de notre désir de l’arrêter. Quand nos coraux skippers auront été éliminés, notre fuite sera crédible.

Il regarda par la baie.

— Gloire à vous tous, guerriers ! lança-t-il aux pilotes de coraux skippers.

Il s’arrêta devant l’écoutille de la navette et appela Droma.

— Ils ont répondu ?

— Non. La navette a dû être touchée sans que nous le remarquions. Prudence !

— Ouais !

Yan poussa le verrou extérieur de l’écoutille et entra. Quand le sas se fut rempli d’air, le Corellien leva le fusil et appuya sur le verrou intérieur.

Personne de l’autre côté.

— Je suis entré, Droma. La pression, la gravité et l’atmosphère sont en service. Je vais d’abord au compartiment passagers.

Il s’engagea dans le couloir du vaisseau. Une substance noire granuleuse couvrait le sol et les surfaces horizontales. Yan en prit une pincée entre ses doigts gantés.

— Il y a un truc noir partout, dit-il dans le comlink. Ça ressemble à de petites coquilles de noix…

— Reck est-il dans le coin ?

Yan sursauta en atteignant la rangée de sièges avant. Ecroulés sur leur siège, il découvrit trois camarades de Reck, affreusement défigurés… Du sang avait coulé de leurs yeux, de leur nez et de leurs oreilles.

— Qu’y a-t-il ? demanda Droma, inquiet du silence de Yan.

— Trois morts. Victimes d’une rupture massive des vaisseaux sanguins.

— Vous êtes sûr que la navette ne s’est pas dépressurisée ?

— A première vue, ils ne sont pas morts de dépressurisation. J’ignore ce qui les a tués. Je vais dans le cockpit.

Il y trouva Reck, Capo et le Yuuzhan Vong, tous trempés de sang… A côté de la valise de l’agent ennemi, ouverte, gisait la hideuse créature qui avait terrorisé le camouflage ooglith d’Elan.

— Reck est mort, annonça Yan. Tous ont péri.

— Les deux femmes aussi ?

— Il n’y a pas trace d’elles. Elles sont peut-être ailleurs…

Il alla explorer la soute arrière.

— Je les ai !

Elan et Vergere étaient inconscientes, mais vivantes. Les coques noires n’avaient pas atteint la soute… Yan passa un bras sous les épaules d’Elan et la souleva. Ses yeux bleus s’ouvrirent et s’agrandirent d’inquiétude. Elle s’agita, tirant Vergere vers elle.

— C’est moi, Yan ! annonça-t-il dans le haut-parleur de sa combinaison.

Elan se détendit.

— Ils nous ont droguées…, dit-elle d’une voix pâteuse. Où sont-ils ? Que s’est-il passé ? Pourquoi portez-vous une combinaison spatiale ?

Il l’aida à se lever et la ramena dans le compartiment passagers. Dès que son pied toucha la matière noire sur le sol, elle se figea.

— Des bo’tous ! Une arme biologique aéroportée.

— Ce truc noir s’appelle bo je-ne-sais-quoi ?

— Non. Ce sont les résidus des bo’tous, inoffensifs… (Elle désigna les sièges avant.) Ce qu’ils ont respiré les a tués.

Vergere sortit de la soute et étouffa un cri.

— Tout le monde est mort, excepté vous, dit Yan.

— Qui a fait ça ? demanda Elan.

— J’aimerais le savoir. Comment la Brigade de la Paix avait-elle ce truc en sa possession ?

— Elle disposait d’un basal dovin et d’un démasqueur. Elle aurait pu aussi avoir des bo’tous. Elle voulait peut-être les utiliser contre les passagers du vaisseau de ligne…

— Au décollage de la navette, nous avons été enfermées dans la soute. De toute façon, les Yuuzhan Vong sont immunisés contre les bo’tous.

Yan activa son comlink.

— Droma, attendez-moi à l’entrée du tube. Je les ramène à bord.